La stimulation cérébrale réduit certains handicaps
Dans les formes graves de dystonie généralisée, la technique permet de mener une vie normale.
Comment gérer une liste d'attente de 350 patients quand on ne peut en opérer qu'une trentaine par an ? Et surtout, comment l'accepter, sachant qu'une intervention précoce peut permettre à ces malades, souvent des enfants, de ne pas devenir grabataires ? Spécialiste mondial de la stimulation cérébrale profonde pour traiter les dystonies généralisées - des maladies neuromusculaires rares à l'origine de handicaps moteurs sévères - le Pr Philippe Coubes, neurochirurgien et chercheur au CHU de Montpellier, s'est investi dans une opération originale avec des artistes pour récolter des fonds en faveur de l'enfance handicapée (voir le site Art Espoir).
L'aventure du Pr Coubes et son combat contre les dystonies ont commencé il y a quinze ans. Un soir de novembre 1996, alors qu'il se rend en réanimation pour examiner un patient qu'il a opéré, il voit une fillette de 7 ans que les médecins ont mis en coma artificiel, car son cas est désespéré. Deux ans plus tôt, elle a commencé à perdre l'usage de la marche. Progressivement, tout son corps a été atteint par une dystonie, avec des mouvements anormaux, des déformations du squelette et des douleurs de plus en plus insupportables ; et finalement une défaillance des organes. Dans un contexte d'urgence, le neurochirurgien propose de tenter une intervention neurochirurgicale inédite : une stimulation électrique profonde du cerveau. Mise au point en 1987 par l'équipe du Pr Alim Benabid, de Grenoble, pour soulager des patients atteints de maladie de Parkinson, cette technique n'a alors jamais été utilisée pour lutter contre d'autres types de mouvements anormaux. Son principe est d'implanter des électrodes au niveau de noyaux profonds du cerveau pour les stimuler, les impulsions électriques étant envoyées par un appareil de type pacemaker, placé à distance sous la peau.
Chez la fillette mourante, les résultats de l'intervention sont spectaculaires : elle peut remarcher, retourner à l'école. Bref, reprendre une vie presque normale, malgré quelques séquelles… Quinze ans et quelque 400 autres interventions plus tard, le Pr Coubes a la plus grosse expérience mondiale de ces traitements neurochirurgicaux des dystonies généralisées. En France, quelques autres équipes proposent des approches comparables, notamment à Paris, Grenoble et Marseille.
Ensemble de maladies rares dont certaines sont héréditaires, les dystonies débutent parfois dans l'enfance, insidieusement. Certaines restent très localisées, d'autres se généralisent. Les contractions involontaires deviennent permanentes, avec des mouvements anormaux incessants et des contractures douloureuses, mal soulagées par les médicaments. Dans les formes généralisées, qui touchent environ 2 000 personnes en France, certains se retrouvent grabataires. Mais pour ces cas les plus graves, le pronostic peut être radicalement transformé par la stimulation cérébrale profonde, comme en témoignent des vidéos présentées par le Pr Coubes.
«Les résultats sont d'autant meilleurs que l'intervention est réalisée précocement, avant le développement de déformations du squelette», précise le spécialiste, qui a adapté la technique pour opérer les enfants sous anesthésie générale, avec un contrôle de la zone cible par IRM (imagerie par résonance magnétique). Le plus souvent, les électrodes sont implantées au niveau d'une zone appelée pallidum interne, mais une douzaine de cibles peuvent être utilisées selon les cas. Le principal risque de l'intervention est d'ordre infectieux, «nous n'avons jamais eu de complication hémorragique avec notre technique», souligne le Pr Coubes.
Depuis quelques années, l'équipe de Montpellier bénéficie d'une enveloppe spéciale du ministère de la Santé. «Mais ce budget s'avère maintenant insuffisant, c'est pourquoi je recherche d'autres financements, continue le chirurgien. Nous avons envisagé, de façon inhabituelle, d'utiliser une partie des fonds caritatifs pour soigner. Dans un premier temps, l'objectif est d'ouvrir le bloc une matinée de plus par semaine, pour opérer deux patients supplémentaires par mois.» À plus long terme, le but est aussi de financer des recherches fondamentales sur ces maladies
article de Le Figaro par Sandrine Cabut